Education sexuelle pour bébés et enfants en bas âge?
par Marita Brune-Koch
(10 janvier 2025) Les jardins d’enfants proposent aux enfants des pièces où ils peuvent se masturber sans être dérangés. De telles informations sont régulièrement relayées par la presse. Les jardins d’enfants n’ont pas inventé eux-mêmes de telles méthodes de sexualisation précoce. Elles se basent plutôt sur le guide de l’OMS «Standards pour l’éducation sexuelle en Europe». Selon ce document, les parents et les enseignants doivent être encouragés à explorer la sexualité avec les enfants «dès la naissance».
Les enfants en bas âge doivent déjà être éduqués et encouragés à «apprécier» la masturbation et à «explorer leur identité sexuelle». On postule que les enfants ont des sentiments et des besoins sexuels dès leur naissance et que c’est aux adultes d’apprendre aux enfants à les reconnaître et à les vivre. Mais comment aborder cette question d’un point de vue scientifique?
Markus Hoffmann a pris position à ce sujet lors d’une interview sur «Kontrafunk». Il est psychologue du développement et travaille depuis 30 ans dans le conseil, la thérapie et la pédagogie en matière de sexualité.1
«Ce n'est nullement un consensus scientifique», explique Markus Hoffmann en référence à l'affirmation selon laquelle l'éducation sexuelle est nécessaire dès le plus jeune âge. En revanche, il est prouvé empiriquement et étudié scientifiquement depuis des années que l’enfant a besoin d’attachement et non d’expérience de plaisir ludique. Il ne conteste pas le fait que des émotions sexuelles soient également observables chez les enfants. Mais ce qui est décisif, c'est que les enfants «dont l'attachement n'est pas sûr, qui sont anxieux, qui grandissent plutôt dans des foyers pour enfants, qui ont vécu des séparations très précoces d'avec leurs parents, ont plus tendance à s'autostimuler que les enfants dont l'attachement est sûr, qui ne présentent justement pas de telles autostimulations allant jusqu'à la masturbation».
Selon lui, les normes de l’OMS inscrivent dans l’enfant une sexualité «qui n’existe pas du tout de cette manière». Il explique de manière précise et détaillée comment l’enfant réagit lorsque le lien avec la mère ou le père devient incertain, comment la mère ou le père rassurent l’enfant avec délicatesse en cas de peur de l’attachement, mais aussi comment ils lui proposent un pont pour supporter des absences temporaires. Ces processus, selon Hoffmann, sont décisifs pour le développement de l’identité de l’être humain.
Il y a de très nombreuses études qui montrent que les enfants ayant un attachement émotionnellement sûr développent de bonnes et diverses manières de s’apaiser, explique-t-il. Mais les enfants «qui ne sont pas rassurés, qui n’obtiennent pas de régulation [avec l’aide de la mère ou du père, ndlr], ont plutôt tendance à s’autostimuler. Cela peut être en mangeant, mais cela peut être en stimulant leur propre corps, donc également des actes sexuels.
Mais chez les enfants, comme le montrent de nombreuses études, nous ne voyons que très rarement une masturbation complète. Ils remarquent certes que cette zone génitale est d'une manière ou d'une autre stimulée par le frottement, etc. Mais ils ne le font pas sciemment, parce qu'ils n'ont encore aucune compréhension de leur propre sexualité physique. C’est pourquoi nous trouvons cela, c’est-à-dire un comportement de masturbation complète, principalement chez les enfants qui ont effectivement été fortement traumatisés ou qui ont vécu de très lourdes pertes d’attachement».
Hoffmann décrit que les jardinières d'enfants qui demandent conseil à propos d’enfants qui se masturbent se voient généralement répondre qu’il faut aménager une pièce pour l’enfant où il pourra le faire sans être dérangé. Si, en tant que psychologue, il demande en revanche quand ce comportement est apparu, il apprend souvent qu'il y a eu de graves perturbations dans la famille, que, par exemple, le comportement est apparu lorsque le père a quitté la famille.
Hoffmann souligne qu’il est important «de tenir compte du contexte et de poser des questions». Selon lui, une perte d'attachement risque de se chroniciser si l'on renforce l'auto-rassurance sous forme de masturbation au lieu de travailler à la régulation de la relation.
Des études de longue durée prouveraient qu’en raison d’une mauvaise réaction aux troubles de l’attachement, «à un moment donné, vers 10, 12, 13 ans, se développent des enfants très perturbés sur le plan structurel», c’est-à-dire des enfants dont la régulation des émotions n’est pas solide, qui ne peuvent pas gérer les frustrations, qui ne réussissent alors souvent pas non plus dans leur profession, ou qui sont alors tellement perfectionnistes qu’ils finissent par s’effondrer dans un burnout.
«Ce sont des enfants qui, à l’âge de 14 ou 15 ans, présentent déjà les premiers problèmes de drogue, ou qui s’engagent dans une sexualité précoce à risque élevé, également un danger élevé pour la santé, ou qui entraînent une grossesse à l’adolescence. Nous savons, grâce à des études de longue durée, que les enfants ayant des difficultés à s’attacher et les enfants chez qui un comportement masturbatoire apparaît très tôt, rencontrent également des problèmes».
Quelle serait une pédagogie sexuelle appropriée jusqu’à la puberté?
Hoffmann explique à ce sujet que l’on sait ce qui intéresse les enfants dans le domaine de la sexualité. «Il y a bien sûr des érections et des sensations de plaisir dans les organes génitaux. C’est quelque chose de tout à fait normal, l’enfant découvre son corps, il veut savoir comment celui-ci fonctionne. Cela fait partie de l’éducation sexuelle à la maternelle et à l’école primaire.» Cependant, il rejette la position de l’OMS selon laquelle les enfants devraient être informés sur les relations amoureuses au plus tard à l’âge de six ans.
Il s’y oppose: «L’enfant n’érotise pas les autres ou n’obsède pas sexuellement les autres, il ne croit pas non plus que les autres ont une pensée sexuelle; mais un enfant s’intéresse par exemple à la question de savoir d’où je viens, comment se passe une naissance, comment je suis né, comment j’ai grandi dans le ventre de ma mère? Les enfants s’intéressent à la forme générale de l’amour. A l’âge de 8 ou 9 ans, on commence à comprendre que la sperme, l’ovule, le papa, la maman et l’amour forment une famille et sont les conditions de la procréation. Avant cela, les enfants ne réfléchissent pas du tout de manière approfondie à tout ce qui touche à la sexualité, ils trouvent cela tout au plus curieux.
C’est-à-dire une information sur le corps, un accompagnement des phénomènes sexuels existants, une mise en évidence: quel est en fait le contexte, une véritable aide au développement de l'enfant et une connaissance saine de l'origine et de la destination de la vie et de sa genèse – ce serait en fait suffisant, il n’a pas besoin de plus. Tout le reste est trop exigeant, car cela dépasse aussi sa capacité de représentation.»
Organisations d’activistes
Selon M. Hofmann, les concepts d'éducation sexuelle, tels que l'OMS les préconise, sont principalement mis en œuvre dans les jardins d'enfants et moins dans les écoles primaires. Des organisations extrascolaires spécifiques introduisent ces thèmes dans les écoles maternelles. Il cite en exemple pour l’Allemagne Pro Familia et le Dortmunder Institut für Sexualpädagogik. En Suisse, il s’agit d’organisations telles que l’association gay Pink-Cross ou le Transgender Network Switzerland qui interviennent dans des jardins d’enfants et des écoles.
Pourquoi l’OMS fait-elle cela?
C’est la question que «Kontrafunk» a posé à l’expert. Sa réponse est révélatrice: derrière ces exigences et ces idées se cache un absolu du principe de plaisir. «Je voudrais le dire avec beaucoup de prudence, il y a quand même une trace de combat culturel. Ainsi, on peut lire par exemple chez Sven Lewandowsky, qui est l’un des sociologues qui gravitent autour des standards de l’OMS dans ce domaine, qui dit: ‹Pour nous, il était très important de placer le principe de plaisir de manière absolue, parce que cela nous permettait de nous démarquer, pour ainsi dire, d’une morale sexuelle ecclésiastique, chrétienne, restrictive, et interdisant la masturbation.›
Cela signifie qu'il s'agit effectivement de ce principe de plaisir comme seul principe de la sexualité. Ce qui veut dire que si j'ai en ce moment une envie que je veux réaliser avec quelqu'un, cela doit pouvoir se produire, c'est mon droit humain, il s'agit alors des mots clés de sexual citizenship, etc, c'est effectivement aussi un combat culturel qui se déroule là en arrière-plan. On peut donc dire qu'une nouvelle compréhension de la sexualité doit être transmise à tout un chacun.»
Et les conséquences? «Lorsque les enfants – nous avons ici des cas dans notre consultation sexuelle – négocient très tôt la sexualité sur la base de la masturbation et de l’autosexualité, une image plus grande d’une sexualité ordonnée dans une famille, dans un mariage, dans une fidélité peut se former, dans le cadre d’une négociation avec un partenaire à vie, car ces formes d’autosexualité, dont la masturbation fait partie, partialisent en fin de compte si fortement cette forme de maturation qu’il en résulte chez l’homme une sorte de script, une sorte de programme sexuel qui peut tout à fait exclure des niveaux de maturité supérieurs.
Cela signifie que l’on peut tout à fait justifier psychologiquement le fait qu’il s’agit ici de créer un nouvel être humain dont la sexualité est totalement différente, et surtout dont la sexualité est liée à la procréation, et qui peut également pratiquer la sexualité indépendamment du sexe et de l’amour.»
La question se pose à nous: voulons-nous d’un tel homme nouveau? Voulons-nous que nos enfants soient éduqués dans ce sens? Si nous répondons par la négative, nous devons empêcher que de tels concepts soient mis en œuvre dans nos institutions pédagogiques publiques.
(Traduction «Point de vue Suisse»)
1 Dr phil. Markus Hoffmann dans une interview avec la radio «Kontrafunk», «Lehrerzimmer», 5 décembre 2024. Toutes les citations reproduites ici sont tirées de cette interview.