Pandémie de Covid – le marché de Wuhan n’était pas le lieu d’origine
par Pascal Derungs, Zurich
(19 juillet 2024) Les indices s’accumulent: ce sont probablement des chercheurs sans scrupules qui ont développé le virus. Un accident de laboratoire l’a fait apparaître. «L’édifice de mensonges s’effrite», tel est le titre de l’article du professeur de physique Roland Wiesendanger paru dans le magazine politique «Cicero».1 Ce scientifique de renommée internationale y résume l’état actuel des connaissances sur l’origine de la pandémie de Covid. Il qualifie d’«édifice de mensonges» la version officielle selon laquelle le virus serait d’origine naturelle et serait passé par hasard des chauves-souris à l’homme sur le marché aux animaux de la ville chinoise de Wuhan – précisément sur le site de l’Institut de virologie de Wuhan (WIV).
La thèse opposée, qui a commencé à circuler très tôt, selon laquelle le Covid-19 n’aurait pas d’origine naturelle, a été discréditée dès le début. Il s’agit d’une pure théorie du complot, a affirmé un groupe de haut niveau de 27 virologues reconnus dès le 19 février 2020 dans une publication très médiatisée de la revue spécialisée «The Lancet». La publication omettait toutefois de préciser que la majorité des signataires avaient eux-mêmes des relations avec le laboratoire de Wuhan, constate Roland Wiesendanger. Depuis, toutes les autorités et tous les médias s’orientent vers cette lecture de l’origine naturelle. Elle était considérée comme sacro-sainte.
Un faisceau d’indices accablant plaide en faveur d’un accident de laboratoire
De plus en plus d’indices apparaissent qui, selon Wiesendanger, étayent le contraire. En résumé, il postule que
- le virus a été créé artificiellement et programmé génétiquement pour se propager dans l’air par le biais d’aérosols et pour contaminer les humains («gain-of-function»);
- des chercheurs américains et du laboratoire de Wuhan auraient espéré tirer de ces expériences à haut risque de nouvelles connaissances sur l’apparition et la propagation des pandémies, afin de pouvoir les combattre plus efficacement à l’avenir;
- les normes de sécurité nécessaires ont été ignorées par les responsables aux Etats-Unis et dans le laboratoire de Wuhan, malgré des avertissements urgents, afin de réduire les coûts;
- cela a conduit à la dissémination du virus du SRAS-CoV-2 cultivé et a déclenché précisément le type de pandémie que l’on aurait voulu prévenir, contrôler et combattre grâce à cette recherche;
- par la suite, des acteurs importants auraient entrepris diverses manœuvres pour dissimuler les événements réels et nier leur participation.
Pour ces indices, Roland Wiesendanger se réfère en premier lieu aux déclarations de scientifiques directement impliqués devant des commissions d’enquête du Congrès américain ainsi qu’à leurs échanges de courriels, qui ont disparu, ont même parfois été effacés, mais ont pu être partiellement reconstitués. Il en résulte que pratiquement tous les acteurs impliqués ont eu un comportement suspect et contradictoire, ont fait des manœuvres de dissimulation et ont parfois fait de fausses déclarations.
Seuls les données et les protocoles de laboratoire de Wuhan pourraient fournir une preuve directe de l’énorme soupçon de faute humaine, constate Wiesendanger. Mais ces données de laboratoire ont «disparu» peu après l’apparition des premiers cas de Covid en Chine. Jusqu’à présent, il n’a pas été possible de convaincre les autorités chinoises de fournir ces informations cruciales et de les rendre accessibles aux autorités d’enquête américaines.
Les Etats-Unis et la Chine ont mené des recherches dangereuses bien avant Covid
Peter Daszak, président de l’ONG américaine «EcoHealth Alliance» (EHA), a joué un rôle central. Avec des scientifiques de l’Institut de virologie de Wuhan (WIV), il a mené pendant de nombreuses années, avant la pandémie, des recherches «gain de fonction» hautement risquées sur les coronavirus.2 C’est ce qu’a retenu la Commission d’enquête Covid de la Chambre des représentants américaine.
Depuis quatre ans, les politiciens américains cherchent des réponses aux énigmes de la pandémie de Covid
En 2020, des élus du parti démocrate américain ont mis en place une commission d’enquête sur la pandémie du coronavirus. Cette commission de la Chambre des représentants devait enquêter sur la politique de Covid du président américain de l’époque, Donald Trump, et sur les raisons du grand nombre de décès aux Etats-Unis. Mais lorsque les républicains ont pris la majorité à la Chambre des représentants en janvier 2023, l’attention s’est déplacée. Depuis lors, la commission d’enquête, composée pour plus de la moitié de médecins, se concentre sur la recherche de l’origine de la pandémie.
La Commission d’enquête a constaté que peu avant le début de la pandémie, Peter Daszak avait conçu une demande de recherche dans laquelle il proposait en détail la synthèse artificielle d’un nouveau type de coronavirus semblable au SRAS. Il s’agissait d’insérer dans des coronavirus de chauve-souris semblables au SRAS un composant appelé «site de clivage de la furine», qui permettrait d’infecter plus facilement les cellules humaines.
Lorsque le SRAS-CoV-2 est apparu quelque temps plus tard à Wuhan, il possédait précisément ce site de clivage de la furine, ce qui le rendait unique parmi les coronavirus apparentés au SRAS, souligne Roland Wiesendanger dans son article publié dans Cicero. Une coïncidence est hautement improbable.
Les normes de sécurité ont été contournées à cause des coûts
Dans une version préliminaire de la demande de recherche décrite ci-dessus et portant le titre abrégé «DEFUSE», Peter Daszak a commenté que l’on ne voulait pas effectuer ces travaux de recherche dans un laboratoire biologique américain de niveau de sécurité BSL-3, mais dans des conditions de sécurité moins restrictives de laboratoires BSL-2 à Wuhan. Dès le début, l’intention était de faire passer ce projet par le laboratoire de Wuhan.
Daszak a agi malgré les avertissements pressants de Ralph Baric, un scientifique américain de premier plan dans la recherche sur le «gain de fonction» avec les coronavirus. C’est ce qui ressort d’une interview exclusive accordée par Baric au magazine «Vanity Fair».3 Les scientifiques américains «piqueraient une crise», lui a écrit Baric, si de telles recherches étaient menées dans un laboratoire de biosécurité de niveau 2 seulement, comme Daszak le prévoyait. Dans sa demande de recherche, Daszak a corrigé le tir en précisant que les expériences auraient lieu dans un laboratoire de niveau de sécurité 3, le plus élevé, sans pour autant s’engager sur un lieu, explique Wiesendanger.
Mais Baric doute que cela se soit réellement passé ainsi. Il a fait référence à plusieurs travaux de recherche publiés qui ont montré que les scientifiques chinois effectuaient leurs recherches sur les virus dans des laboratoires BSL-2.
L’institut d’Anthony Fauci a mis le feu aux poudres
La demande de Daszak n’a pas été acceptée par l’Organisation américaine de financement de la recherche DARPA [Defense Advanced Research Projects Agency]. Il a néanmoins reçu peu après de nouveaux fonds de recherche d’une subdivision des «National Institutes of Health» (NIH) américains dirigée par Anthony (Tony) Fauci, le futur conseiller présidentiel américain, afin de pouvoir mener ces recherches au WIV à Wuhan.
Dans un courriel remis à la Commission d’enquête américaine, Baric a fait savoir à Peter Daszak que c’était «un tas de conneries» que d’affirmer que «le WIV avait mené des recherches sur le coronavirus dans des laboratoires disposant de protocoles de biosécurité suffisants». C’est également ce qui ressort de l’interview dans «Vanity Fair». Selon ce document, Baric a déclaré à la Commission d’enquête: «Le marché était clairement un canal d’expansion. Est-ce là que tout a commencé? Je ne pense pas.» L’argument ne tient pas la route, a-t-il dit, car des preuves génomiques indiquent que le COVID-19 circulait déjà dans la population humaine entre la mi-octobre et la fin octobre 2019. Et Baric de préciser: on ne peut pas exclure un accident de laboratoire.
La négligence rend impossible une vérification a posteriori
La Commission d’enquête a également constaté que Daszak n’avait pas supervisé les expériences risquées de modification artificielle des coronavirus à Wuhan, bien que l’argent du contribuable américain ait été versé à cet Institut de virologie. Il n’a également pas réclamé de cahiers de laboratoire à ses collègues scientifiques de Wuhan, contrairement à la pratique courante dans de tels cas.
Sur la base de ces manquements, le financement de Peter Daszak et de son organisation par l’argent du contribuable américain a été suspendu en mai 2024.4
Comment l’«édifice de mensonges» a été érigé
C’est également Peter Daszak qui, le 19 février 2020, au début de la pandémie, a organisé la fameuse lettre ouverte de 27 virologues dans la revue médicale «The Lancet»,5 qui a largement contribué à présenter l’hypothèse de la fuite de laboratoire comme une théorie du complot sans fondement et à la discréditer auprès de l’opinion publique mondiale.
En janvier 2021, Daszak s’est rendu à Wuhan pour le compte de l’OMS, sans révéler ses conflits d’intérêts évidents. Il faisait partie d’un groupe de dix scientifiques chargés d’en apprendre plus sur l’origine de la pandémie.
La prise de risque des chercheurs était démesurée
Le conseiller du président américain pendant la pandémie de Covid, Anthony (Tony) Fauci, a toujours été un partisan fort et influent de la recherche sur le «gain de fonction», rappelle Wiesendanger. Il y a plus de dix ans, Fauci avait déjà déclaré que le gain de connaissances de ce type de recherche justifiait le risque d’une pandémie éventuellement déclenchée. C’est également lui qui a mené et justifié publiquement la délocalisation de cette recherche à haut risque des Etats-Unis vers la Chine, explique Wiesendanger.
Anthony Fauci devant la Commission d’enquête
Fauci avait initialement déclaré sous serment que les «National Institues for Health» (NIH) et leur sous-division NIAID n’avaient «à aucun moment» encouragé de telles recherches. Cette affirmation a été corrigée mi-mai par un haut représentant des NIH. En effet, certaines publications scientifiques sur la recherche «gain de fonction» à Wuhan contenaient des remerciements envers les NIH pour leur soutien financier. Fauci a finalement dû admettre, lors de sa deuxième audition le 3 juin 2024, qu’il avait fait transiter des subventions massives vers Wuhan par l’intermédiaire de Peter Daszak.
Sous serment, Fauci a nié les accusations selon lesquelles il aurait activement participé à la dissimulation d’une éventuelle origine de laboratoire du virus. Au contraire, il aurait été «ouvert» à l’hypothèse que le virus puisse provenir d’un laboratoire.
Pour preuve, Fauci a cité un courriel adressé à un chercheur: il avait lui-même conseillé à l’époque à un collègue d’avertir immédiatement les services secrets si l’hypothèse selon laquelle le virus était né en laboratoire se confirmait. Il est toutefois «impossible au niveau moléculaire» que le Sras-CoV-2 soit apparu lors d’expériences financées par les contribuables américains, a souligné Fauci. Il a révélé qu’il recevait régulièrement des menaces de mort.
Fauci, l’ancien «tsar du Covid», s’est également inscrit en faux contre la version de son ancien collaborateur David Morens, selon laquelle Fauci aurait utilisé son adresse courriel privée à des fins professionnelles, afin d’éviter le canal officiel pour des choses délicates. Morens avait présenté les choses comme s’il avait gardé un contact étroit avec Fauci. Fauci, quant à lui, s’est distancié de Morens et a condamné ses agissements.
Le célèbre économiste Jeffrey Sachs a récemment souligné que les «National Institutes of Health» (NIH) – et en particulier l’institut que Fauci a dirigé pendant des décennies – sont devenus à partir de 2001 le «foyer» de la recherche américaine sur les armes biologiques. Selon Sachs, les NIH sont devenus le «bras de recherche» de l’armée et des services secrets. Les subventions correspondantes auraient été versées à l’institut dirigé par Fauci.
Sachs a dirigé la Commission scientifique Covid-19 de la revue médicale «The Lancet», ce qui lui a permis de se faire une idée précise du contexte. Le professeur d’économie américain, qui dispose d’un bon réseau international, a d’abord cru à la thèse de l’origine naturelle – jusqu’à ce qu’il découvre de plus en plus de détails qui rendent l’origine laboratoire plus probable.
Bien que Sachs fasse également partie du camp démocrate, il loue le chef républicain de la Commission d’enquête américaine sur la pandémie de Covid pour sa «transparence, sa sincérité et sa raison».
Dissimulation et destruction de preuves
La Commission d’enquête américaine sur le Covid a également interrogé David Morens, un conseiller principal d’Anthony Fauci.6 En octobre 2021, David Morens a écrit dans un courriel à Peter Daszak: «D’après les nombreux commentaires que Tony m’a faits et d’après ce que Francis [il s’agit du directeur des NIH de l’époque, Francis Collins – ndlr] a exprimé au cours des cinq derniers jours, il est clair qu’ils essaient de te protéger, ce qui protège également leur propre réputation.» La Commission d’enquête a constaté que Morens avait illégalement supprimé des courriels officiels des autorités afin de contourner d’éventuelles demandes de divulgation en vertu de la loi sur la transparence. En outre, il a fait transiter des messages officiels par son compte Gmail privé, ce qui est interdit. En outre, il n’a pas respecté, à plusieurs égards, les exigences professionnelles et éthiques d’un collaborateur de haut niveau des NIH.
Les gouvernements ont secrètement présumé de l’accident de laboratoire
Compte tenu des mesures de confinement rapides et strictes prises au printemps 2020, Wiesendanger estime qu’il est très crédible que les agences de sécurité nationale, non seulement aux Etats-Unis mais également dans de nombreux pays alliés, aient pris le contrôle de la réponse à la pandémie de Covid parce qu’elles savaient que le Sras-CoV-2 était un virus manipulé provenant d’un laboratoire qui effectuait des recherches sur des armes biologiques potentielles. Il semblait trop risqué de laisser les mesures de lutte aux seules autorités sanitaires compétentes. Le 13 mars 2020, le président Donald J. Trump a déclaré une urgence nationale. Cette réaction correspond à celle face à une menace militaire, constate Wiesendanger dans son article publié dans Cicero.
Cela se confirme une fois de plus par une lettre du 7 mai de la Commission d’enquête sur la pandémie de Covid de la Chambre des représentants américaine adressée au secrétaire d’Etat américain par intérim Antony Blinken. Il y est dit qu’il est crédible
1. que le Covid-19 a pu se développer à la suite d’un accident de laboratoire à Wuhan;
2. que le Parti communiste chinois a empêché et entravé une enquête approfondie en la matière; et
3. qu’il ait existé une relation continue entre le laboratoire de Wuhan et l’Armée populaire de libération chinoise.
Le «gain de fonction» continue de menacer le monde
En conclusion, Roland Wiesendanger écrit: «Le fait est que la recherche à haut risque sur les ‹gains de fonction› avec des agents pathogènes susceptibles de provoquer des pandémies continue d’être menée et encouragée dans de nombreux pays du monde, avec des conséquences imprévisibles.»
Source: https://www.infosperber.ch/wissenschaft/corona-pandemie-wuhaner-markt-war-nicht-ursprungsort/, 24 juin 2024
(Traduction «Point de vue Suisse»)
1 https://www.cicero.de/kultur/corona-aufarbeitung-labortheorie-wiesendanger
4 https://usrtk.org/covid-19-origins/ecohealth-suspended/
5 https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)30418-9/fulltext