«Préparer la guerre»

La bombe américaine est prête: bientôt aussi dans l’UE

La nouvelle base des F-35 est en préparation à Ghedi.
L'Italie a ratifié le traité de non-prolifération nucléaire,
mais de nouvelles armes nucléaires américaines sont
stationnées à Ghedi. (Photo wikipedia)

par Manlio Dinucci*

(15 mars 2021) Les Etats-Unis ont mis au point un nouveau type de bombe nucléaire, beaucoup plus petite et maniable. Ils vont en construire à la chaîne et en entreposeront dans l’Union européenne, pour «garantir leur sécurité».

Une vidéo, publiée le 23 novembre par les Sandia National Laboratories, montre un chasseur américain F-35A qui, volant à vitesse supersonique à 3000 mètres d’altitude, lance une bombe nucléaire B61-12 (dotée pour l’essai de tête non-nucléaire). La bombe ne tombe pas verticalement mais plane, jusqu’à ce que dans le kit de guidage de queue (Tail Kit Assembly – TKA) des fusées s’allument qui lui impriment un mouvement rotatoire et la B61-12 (guidée par un système satellite) se dirige sur l’objectif qu’elle frappe 42 secondes après le lancement.

Le test a été effectué le 25 août dans le polygone de Tonopah dans le désert du Nevada. Un communiqué officiel confirme son plein succès: il s’agit de la répétition d’une véritable attaque nucléaire que le chasseur effectue à vitesse supersonique et à dispositif furtif (stealth) – avec les bombes nucléaires placées dans la soute interne – pour pénétrer à travers les défense ennemies.

La B61-12 a une tête nucléaire avec quatre options de puissance sélectionnables au moment du lancement en fonction de l’objectif à frapper. Elle a la capacité de pénétrer dans le sous-sol, en explosant en profondeur pour détruire les bunkers des centres de commandement et autres structures souterraines.

Le programme du Pentagone prévoit la construction d’environ 500 B61-12, pour un coût estimé d’environ 10 milliards de dollars (faisant que chaque bombe en arrive à coûter le double de ce qu’elle coûterait si elle était construite entièrement en or). Il a été officiellement annoncé que la production en série de la nouvelle bombe nucléaire commencera dans l’année fiscale 2022, qui débute le 1er octobre 2021 (soit dans onze mois).

On ne sait pas combien de B61-12 seront stockées par les Etats-Unis en Italie, Allemagne, Belgique et Pays-Bas pour remplacer les B61 dont le nombre effectif est secret. Des photos satellites montrent qu’ont été effectués des travaux de restructuration dans les bases d’Aviano et Ghedi en préparation de l’arrivée des nouvelles bombes nucléaires, dont seront armés les F-35A de l’US Air Force et, sous commandement américain, ceux de l’Armée de l’air italienne.

La situation dans laquelle se trouvera l’Italie – quand seront stockées sur son territoire les F-35A prêts à l’attaque nucléaire avec les B61-12 – est facilement prévisible. En tant que base avancée du déploiement nucléaire américain en Europe dirigé principalement contre la Russie, l’Italie se trouvera dans une situation encore plus dangereuse. Elle dépendra encore plus qu’avant des décisions stratégiques prises à Washington, qui comportent des choix politiques et économiques préjudiciables à notre souveraineté et à nos réels intérêts nationaux. Elle devra accroître la dépense militaire de 26 milliards actuels à 36 milliards d’euros annuels, auxquels s’ajouteront selon les plans plus de 60 milliards alloués à des fins militaires par le ministère du Développement économique, et financé par le Fonds de relance européen.

L’Italie violera encore plus qu’avant le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), auquel elle a adhéré en 1975 en s’engageant «[…] à n’accepter de qui que ce soit, ni directement ni indirectement, le transfert d’armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires ou du contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs». Elle réfutera encore plus le récent Traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires, qui stipule: «[…] chaque Etat Partie qui dispose d’une arme nucléaire ou autre dispositif explosif nucléaire sur son territoire ou en tout lieu placé sous sa juridiction ou son contrôle dont un autre Etat est propriétaire ou détenteur ou qu’il contrôle veille au retrait rapide de ces armes dans les meilleurs délais».

Pour jeter un pavé dans la mare d’un Parlement qui tait tout cela, la députée Sara Cunial (Gruppo Misto) a posé une question à réponse écrite à la présidence du Conseil et aux ministres de la Défense et des Affaires étrangères. Après avoir exposé les faits susmentionnés, elle demande «si le gouvernement entend respecter le Traité de non-prolifération des armes nucléaires, ratifié par l’Italie en 1975; s’il entend signer et ratifier le Traité de l’ONU sur l’interdiction des armes nucléaires, qui entre en vigueur en 2021; s’il entend faire en sorte que, sur la base de ce que stipulent ces traités, les Etats-Unis retirent immédiatement toute arme nucléaire du territoire italien et renoncent à y installer les nouvelles bombes B61-12 et autres armes nucléaires».

Pendant que nous attendons de lire la réponse du Gouvernement, aux Etats-Unis on fait les derniers essais de la bombe, qu’on va venir nous mettre sous les pieds.

Source: voltairenet.org/Il Manifesto (Italie), 1/12/2020

(Traduction Marie-Ange Patrizio)

* Manlio Dinucci est un géographe et geopolitologue italien. Ses derniers ouvrages publiés sont: Laboratorio di geografia, Zanichelli 2014; Diario di viaggio (en trois tomes), Zanichelli 2017; L’arte della guerra / Annali della strategia Usa/Nato 1990–2016, Zambon 2016; Guerra nucleare. Il giorno prima. Da Hiroshima a oggi: chi e come ci porta alla catastrofe, Zambon 2017; Diario di guerra. Escalation verso la catastrofe (2016–2018), Asterios Editores 2018.

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