Suisse

La politique de santé doit rester indépendante

Surveiller l’OMS «de près»

(4 octobre 2024)(Réd./sv) Le travail persévérant de parlementaires et d’experts dévoués a permis de remporter une victoire d’étape: les cantons et les électeurs, en tant que souverain suprême de la Suisse, ne seront plus facilement contournés par un simple renvoi à des prescriptions internationales.

Après le Conseil national, le Conseil des Etats en tant que représentant des cantons a également décidé que les accords avec l’OMS doivent être soumis aux Chambres fédérales. Aucune instance internationale ne doit pouvoir limiter la souveraineté sur notre politique de santé.

Le Conseil des Etats demande au Conseil fédéral de pouvoir se
prononcer sur les accords de l’OMS. (Photo Parlamentsdienste 3003
Bern/Franca Pedrazzetti)

En réponse aux questions sur le contenu et l’importance pour notre pays des modifications du Règlement sanitaire international (RSI) et du nouvel Accord sur les pandémies prévu par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Conseil fédéral avait jusqu’à présent pris position comme suit (extrait):

«[...] En particulier, le nouveau traité n’aura aucune incidence sur le droit souverain des Etats de légiférer et de décider sur la mise en œuvre de leurs politiques nationales en matière de santé et sur les mesures éventuellement nécessaires en cas de pandémie. La Suisse ne conclut pas de traités internationaux qui ne respectent pas les droits et principes fondamentaux. Enfin, les négociations en cours ne prévoient pas la possibilité pour l’OMS d’imposer à ses Etats membres des mesures sanitaires juridiquement contraignantes en cas de pandémie1

Le Parlement a toutefois voulu en savoir davantage. Une motion a donc été déposée le 7 juin 2022 et adoptée par le Conseil national le 17 avril 2024 et par le Conseil des Etats le 26 septembre dernier. La demande suivante, adressé au Conseil fédéral, est ainsi devenue contraignante:

Texte déposé: «Le Conseil fédéral est chargé de soumettre impérativement au Parlement tout accord conclu dans le cadre de l’OMS ou tout instrument élaboré par l’OMS qui, bien que non contraignant (‹soft law›), serait susceptible d’entraîner par la suite des obligations pour la Suisse.»

Développement: «Lors de la session extraordinaire de l’OMS en novembre et décembre 2021, ses Etats membres ont adopté une décision visant à élaborer une convention, un accord ou un autre instrument international sur la préparation et la riposte aux pandémies ainsi qu’à renforcer le Règlement sanitaire international (RSI). L’OFSP [Office fédéral de la santé publique] semble soutenir ce processus. L’‹Organe intergouvernemental de négociation› instauré par l’OMS mène actuellement des efforts coordonnés pour présenter un rapport à l’OMS d’ici à mai 2023 et lui soumettre une proposition d’‹instrument› international. Pour la Suisse, le risque est qu’un tel ‹instrument› puisse produire des effets juridiques contraignants (comme on l’a vu lors des discussions entourant le Pacte mondial sur les migrations de l’ONU). Au vu de ce risque, il faut qu’il soit impérativement soumis au Parlement2

La conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider (PS) a expliqué lors de la séance du Conseil des Etats du 26 septembre3 que le Règlement sanitaire international est un «instrument existant, juridiquement contraignant, utilisé en Suisse depuis plus de soixante-dix ans», en ajoutant que l’OFSP est en train d’examiner les modifications adoptées le 18 juin 2024 à Genève. «Selon notre première analyse, ces modifications sont de nature technique et de portée limitée». Selon elle, des modifications législatives ne semblent pas être nécessaires, raison pour laquelle la compétence de les adopter revient au Conseil fédéral, qui a jusqu’au 19 juillet 2025 pour prendre sa décision. Et Mme Baume-Schneider d’assurer, qu’elle proposera toutefois au Conseil fédéral d’organiser une consultation à ce sujet sur une base volontaire.

Depuis l’adoption illégale des modifications du RSI – l’OMS a violé sa propre Charte en ne respectant pas un délai de quatre mois avant le vote –, de nombreuses critiques ont été émises à l’encontre de ces modifications.4

Selon Mme Baume-Schneider, la Suisse continuera à participer aux négociations d’un nouvel Accord sur les pandémies selon «les lignes directrices fixées par le Conseil fédéral», la prochaine réunion ayant lieu en novembre. L’adoption de cet accord est prévue lors de la prochaine Assemblée mondiale de la santé de l’OMS au printemps 2025. La participation aux négociations permettra donc de préserver les intérêts de la Suisse. D’après Mme Baume-Schneider, cela comprend par exemple «un sujet très sensible, d’ailleurs controversé, mais important pour la Suisse – la protection de la propriété intellectuelle».

Mme la Conseillère fédérale évoque-t-elle ici les intérêts de l’industrie pharmaceutique, qui souhaite que ses brevets soient protégés, par exemple sur les produits de vaccination? Il ne s’agit sans doute pas de protéger la population contre des «mesures» disproportionnées ...

Dans sa réponse – tout en proposant de rejeter la motion –, Mme Baume-Schneider a assuré aux motionnaires que l’Accord sur les pandémies serait «de toute manière» soumis à l’approbation du Parlement, «au vu de sa dimension politique importante». Le Conseil des Etats n’a cependant pas suivi ces recommandations concernant la motion en l’adoptant par 29 voix contre 8.

Au cours des prochains mois, il conviendra de se pencher activement sur la suite du traitement du Règlement sanitaire international et de l’Accord sur les pandémies – une condition indispensable au maintien des processus démocratiques dans notre pays.

(Traduction «Point de vue Suisse»)

1 https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20234397

2 https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20223546

3 https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/amtliches-bulletin/amtliches-bulletin-die-verhandlungen?SubjectId=65923

4 https://multipolar-magazin.de/meldungen/0061

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