Suisse

Les idéologies n’apportent pas de solutions

L’échec de la transition énergétique est prévisible

par Ueli Gubler,* ingénieur ETS, Stettfurt TG

(15 mars 2024) Le «Concept énergétique 2050» adopté en 2017 prévoit l’abandon de l’énergie nucléaire et le renoncement aux combustibles fossiles. Dans le message du Conseil fédéral, les coûts pour un ménage de quatre personnes ont été chiffrés à quarante francs par an.

Ueli Gubler
(photo mad)

En juin 2021, la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a lancé la campagne de votation concernant la Loi sur le CO2 en faisant remarquer que la transition énergétique coûterait probablement cent milliards de francs à l’échelle de la Suisse. Cela représenterait un total de 48 000 francs par ménage pour la conversion. Il est à craindre que la Confédération, et elle n’est pas la seule, n’ait aucune idée de l’ampleur des dépenses techniques que nécessitera la transition énergétique.

Les besoins énergétiques annuels de la Suisse s’élèvent à 220 000 GWh (gigawattheures). Sur ce total, 20 000 GWh proviennent des centrales nucléaires et 131 000 GWh des combustibles fossiles (essence, diesel, pétrole et gaz). Le «Concept énergétique 2050» exige donc que 151 000 GWh soient remplacés par l’énergie éolienne et solaire.

Eoliennes

La station de démonstration éolienne «Verenafohren», située à Tengen en Allemagne, au nord de Schaffhouse, avec une puissance nominale de dix mégawatts (MW) répartis sur trois turbines, génère 19 GWh par an, soit 6¹/3 GWh par an et par roue. Des éoliennes plus grandes, par exemple du type Vestas V162, atteignent 8 GWh par an. Elles sont toutefois cinquante mètres plus hautes, à savoir 250 mètres (!). Pour remplacer les 151 000 GWh, il faudrait donc environ 19 000 éoliennes.

La superficie de la Suisse est de 41 285 km2, la surface urbanisée mesure 3300 km2 et la surface au-dessus de 2000 mètres d’altitude est de 9500 km2. Il reste donc 28 485 km2 pour les 19 000 éoliennes. Les sites de plus de 2000 mètres d’altitude ne sont pas accessibles aux gros engins de construction et aux grues, à moins qu’ils ne se trouvent à proximité immédiate de routes de col. Cela signifie qu’une éolienne serait installée sur chaque 1,5 km2 de la surface restante entre le lac Léman et le lac de Constance, que le site s’y prête ou non.

Les éoliennes transforment notre paysage. (Photo mad)

Cela montre clairement à quel point les éoliennes sont inefficaces, ou plutôt à quel point la Suisse est inadaptée aux éoliennes. L’atlas officiel des vents en Suisse indique une vitesse moyenne du vent d’environ 5 m/sec. Selon les courbes de puissance des produits les plus divers, les éoliennes ne commencent à produire qu’à partir de cette force de vent. Le taux d’utilisation des soixante éoliennes existantes en Suisse n’est donc que de 17% (rapport entre la quantité d’électricité produite et la quantité possible sur la base de la puissance nominale installée). Sur la côte allemande de la mer du Nord, le taux d’utilisation est deux fois plus élevé. C’est pourquoi 90% des éoliennes allemandes se trouvent au nord de Berlin.

L’utilité des éoliennes est souvent exprimée en unités de ménage de 3000 à 5000 kWh/an. Il s’agit toutefois d’un trompe-l’œil. La consommation d’énergie réelle d’une personne est de 27 000 kWh par an. Cela représente 108 000 kWh pour un ménage de quatre personnes. On ne peut pas simplement exclure l’industrie, l’artisanat, les centres commerciaux, les installations scolaires, les hôpitaux, etc. L’énergie chargée de CO2 par personne s’élève à environ 20 000 kWh par an. Avec une production annuelle de 8 GWh, une éolienne peut couvrir les besoins de seulement 400 personnes.

Installations solaires

La grande installation solaire prévue «Gondosolar» (VS) occupe une surface de 100 000 m2 et produit, selon le maître d’ouvrage Alpiq, 23 GWh par an. Pour remplacer les 151 000 GWh, 6560 installations de ce type seraient nécessaires. Cette surface correspond à deux tiers de la superficie du canton de Thurgovie. Il s’agit donc d’une idée impossible à réaliser. Même un mélange d’éoliennes et d’installations solaires ne change rien à l’énorme besoin d’espace.

Le stockage

Les énergies éolienne et solaire ne sont pas planifiables. Ils se produisent parfois, mais pas la plupart du temps. Le facteur de pleine charge des éoliennes est inférieur à 20%, celui des installations solaires est d’environ 12%; les scientifiques se creusent la tête depuis près de trente ans, sans succès. Les fluctuations quotidiennes ne sont pas les seules à devoir être compensées. Les variations saisonnières sont bien plus importantes et se situent dans un rapport de 1 à 5 pour les installations solaires. Pour les grandes quantités, seuls les bassins de stockage par pompage ou le détour par l’hydrogène entrent actuellement en ligne de compte. Dans les deux cas, les pertes sont gigantesques.

Par énergie primaire, on entend la quantité d’électricité produite par un pays, plus le net de l’exportation et de l’importation. La consommation finale comprend l’électricité qui est effectivement achetée par le consommateur final. Dans le réseau européen, cela ne représente que 70% de l’énergie primaire. 30% sont des pertes de réseau ou sont perdus au sein des stations de transformation, etc.

Pour les bassins de pompage-turbinage, la perte est de plus de 50%, et pour la production et l’utilisation d’hydrogène, de plus de 70%. Il est difficile de comprendre pourquoi l’efficacité du gaz liquéfié fait l’objet d’une propagande aussi positive. On passe sous silence l’énergie nécessaire à la fracturation, à la liquéfaction à moins 162°C pour le transport en mer et à l’évaporation qui s’ensuit. Les énergies renouvelables creusent considérablement l’écart entre l’énergie primaire et la consommation finale – et leur moins bonne exploitation coûte en outre beaucoup d’argent.

L’extension du réseau

La consommation actuelle d’électricité est de 58 000 GWh. Si l’énergie des combustibles fossiles est transformée en électricité, la consommation d’électricité augmente de 151 000 GWh pour atteindre 209 000 GWh. Cela représente 3,6 fois le volume actuel. Nos réseaux électriques ne sont pas conçus pour cela. Il ne s’agit pas seulement des lignes de transport. Les répercussions se feront sentir jusque dans les quartiers.

Conclusion

Plus un projet est grand, plus il est important de le planifier soigneusement. Mettre sens dessus dessous un approvisionnement en énergie qui a fait ses preuves est un projet titanesque pour lequel on manque d’expérience. Compte tenu des coûts énormes, il est irresponsable d’installer des éoliennes au petit bonheur la chance dans le paysage. Cela ne peut commencer que lorsque le concept est établi avec une grande précision. Il serait fatal que de telles interventions dans des paysages sensibles se révèlent être un échec. Trois points doivent être clarifiés au préalable: le nombre d’installations éoliennes et/ou solaires, le stockage de l’électricité et l’extension du réseau.

Le désastre de l’Allemagne

Les 30 000 éoliennes et les 600 km2 d’installations solaires créées ne permettent de couvrir qu’à peine 10% des besoins énergétiques totaux de l’Allemagne. La construction des éoliennes est quasi au point mort.

Le gouvernement tricolore tente d’atténuer les pénuries d’électricité qu’il a en partie provoqué lui-même en utilisant du gaz liquéfié coûteux et en relançant d’anciennes usines à charbon. C’est l’aveu silencieux de l’échec de la transition énergétique par le biais du vent et du soleil.

C’est aussi l’aveu que l’on a étouffé dans l’œuf toutes les objections avec la menace permanente de la «fin des temps» et que l’on s’accommode désormais de l’augmentation des émissions de CO2. Ce n’est pas crédible.

Quiconque prend au sérieux «le sauvetage du climat à la dernière minute» agit différemment. L’Allemagne se voyait comme le précurseur de la transition énergétique devant lequel le reste du monde devait s’incliner. Cela a complètement échoué. L’Allemagne est sur le point d’étrangler son économie.

Nous avons le choix de faire autrement – mieux. Malheureusement, il n’y a pas de remède contre l’idéologie. Peut-être que l’augmentation des coûts de l’électricité, qui se répercutera également sur nous, ouvrira les yeux des gens. L’«acte modificateur unique» prévu par la Confédération est censé renforcer la sécurité d’approvisionnement. En réalité, il restreint les droits fondamentaux existants. «Le Covid vous salue». Il n’est pas bon d’empêcher préventivement toutes objections fondées contre une cause vouée à l’échec dès le départ.

* Ueli Gubler est ingénieur ETS et journaliste indépendant. Il aime aller au fond des affirmations et des suppositions. En tant qu'ingénieur, il examine de près certaines lois et certains chiffres.

Source: «Schweizerzeit», 26 janvier 2024

(Traduction «Point de vue Suisse»)

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